Les rushes sont-ils protégés par le droit d’auteur ?

par | 18 février 2024 | Cinéma, Télévision, Général

C’est la question posée par l’un de mes clients qui contestait l’utilisation de rushes qu’il avait réalisés dans un programme audiovisuel diffusé sur Youtube.

Le contrat conclu avec le producteur audiovisuel ne prévoyait une cession de droits que pour le programme monté. 

Contexte :

J’ai tout d’abord rappelé à mon client que les rushes ne peuvent être considérés comme une œuvre protégeable que s’ils ont un caractère d’originalité.

J’ai illustré mon propos grâce à un arrêt de la Cour d’appel de Paris qui s’est justement prononcée sur un cas similaire dans un arrêt du 15 décembre 2023.

↪Un réalisateur revendiquait la qualité d’auteur d’images tournées lors de concerts en Afrique du groupe KASSAV’ dans les années 80. Les prises de vue en question avaient été filmées à la volée, caméra à l’épaule ou sur pied.

🎥 30 ans plus tard, certaines de ces images avaient été reproduites dans un nouveau documentaire consacré au groupe et diffusé sur France 3 sans son autorisation.

Le réalisateur avait donc, dans un premier temps, mis en demeure France Télévision de cesser toute diffusion du documentaire.
Puis, dans un deuxième temps, il avait assigné France Télévision et le producteur du documentaire pour contrefaçon de ses droits d’auteur.

 

Décision :

⚖ La Cour lui a donné tort.
Dans sa décision, elle reconnaît que c’est bien le réalisateur qui a filmé les rushes.
Mais elle rappelle que c’est à lui d’expliquer en quoi les rushes auraient un caractère original permettant de leur donner le statut d’œuvre protégeable.

  • Pour définir si tel est le cas, la Cour indique que l’originalité d’une œuvre est appréciée de manière globale.
  • Par ailleurs les éléments qui caractérisent l’œuvre, du fait de leur agencement particulier, doivent lui conférer une physionomie propre.
  • Enfin, celui qui revendique la qualité d’auteur doit démontrer l’effort créatif et le parti pris esthétique portant l’empreinte de sa personnalité.

👨‍⚖️ Elle conclut que les rushes, en tant que matériau brut, ne présentaient pas ces caractéristiques et qu’ils étaient dépourvus d’originalité.
Elle précise également que le simple fait de reproduire les rushes dans le documentaire qui, lui, est une œuvre originale, ne leur confère automatiquement pas la qualité d’œuvre.

✅ Ce n’est donc que si toutes ces conditions sont réunies qu’un réalisateur peut faire valeur ses droits d’auteur sur les rushes.