Que vous soyez artiste ou agent (dans l’industrie musicale les termes de « manager » et de « contrat de management sont fréquemment employés), la signature d’un contrat est indispensable. Elle permet de garantir la sécurité juridique de l’artiste et de l’agent. Mais quels sont les sujets de vigilance dans un contrat d’agent artistique ?
Voici les 10 points à négocier avant de signer.
1. Les domaines dans lesquels l’agent représentera l’artiste
Le contrat devra décrire précisément les domaines d’intervention de l’agent :
carrière musicale ou cinématographique de l’artiste, carrière de peintre de photographe ou de designer pour un artiste des arts graphiques. Au sein d’une carrière, il pourra être prévu que l’agent ne représentera l’artiste que pour certaines activités, par exemple pour un artiste de variétés, seulement pour son activité d’artiste-interprète (enregistrements et prestations scéniques) mais pas pour son activité d’auteur ou de compositeur. L’artiste pourra alors demander à un autre agent de le représenter pour ces activités. Le contrat pourra englober ou non la gestion du merchandising, des concerts ou des représentations privés, ou encore les partenariats avec des marques (« branding »).
2. Les missions confiées à l’agent
Une fois les domaines d’intervention définis, le contrat devra délimiter les missions de l’agent.
Parmi celles-ci, on peut citer :
– la recherche de contrats de travail pour l’artiste (« placement ») tels que contrat avec un label, un producteur de concerts, un producteur audiovisuel ou cinématographique,
– l’examen des propositions faites à l’artiste,
– la négociation des contrats pour le compte de l’artiste,
– la promotion de la carrière de l’artiste auprès des professionnels,
– la gestion administrative de la carrière de l’artiste,
– la définition et la mise en œuvre d’une stratégie de développement de carrière.
Une clause devra par ailleurs indiquer si l’agent a le pouvoir de signer les contrats pour le compte de l’artiste. Enfin, il sera prudent de définir la manière dont l’agent rendra compte de sa mission à l’artiste : par quels moyens et à quelle fréquence.
3. Le caractère exclusif ou non du mandat
Le contrat d’agent est juridiquement un contrat de mandat. Il peut être conclu à titre exclusif ou non. A titre exclusif, l’artiste ne peut pas avoir recours à un autre agent pour les domaines d’intervention et les missions prévues au contrat. A titre non-exclusif, l’artiste peut solliciter un autre agent pour les mêmes domaines d’intervention et missions.
En revanche, sauf cas exceptionnel qui sera justifié par la très grande notoriété de l’artiste, l’agent n’est pas lié exclusivement à l’artiste : il peut donc représenter d’autres artistes pour des missions identiques, y compris s’ils interviennent dans le même domaine artistique.
4. Durée du contrat
Naturellement, le contrat devra prévoir la durée pendant laquelle l’agent représentera l’artiste.
Généralement comprise entre 2 et 5 ans, cette durée peut se renouveler automatiquement et tacitement, c’est-à-dire sans formalités particulières. Ce renouvellement peut se faire pour une durée identique ou seulement pour des périodes successives d’un an par exemple.
Le contrat fixera également les modalités de résiliation du contrat, c’est-à-dire par quels moyens et dans quels délais il peut être mis fin au contrat, notamment pour éviter son renouvellement.
Par ailleurs, il est nécessaire de prévoir une durée déterminée. A défaut, le contrat sera considéré comme perpétuel (ce qui est interdit) et l’artiste ou l’agent pourra y mettre fin à tout moment.
5. La rémunération de l’agent
La rémunération de l’agent, sa commission, est fixée en pourcentage des revenus bruts de l’artiste.
Le taux est légalement fixé à 10% mais il est de 15% si l’agent participe au développement de la carrière de l’artiste, ce qui doit être expressément prévu au contrat.
Il n’est donc pas possible de prévoir un taux plus élevé. Dans ce cas le contrat serait illicite.
La commission à hauteur de 10% peut-être prise en charge par les cocontractants de l’artiste. En revanche, la commission de 5% supplémentaire est obligatoirement supportée par l’artiste seul.
6. La base de calcul de la commission de l’agent
Le contrat devra déterminer de manière précise et détaillée les revenus pris en compte pour la base de calcul de la commission de l’agent. Parmi ceux-ci, on peut citer les rémunérations versées pour les séances d’enregistrement ou les tournages (cachets), pour les ventes de disques, le streaming, les concerts, les entrées en salle, la VOD et la SVOD, les rémunérations versées au titre de droits d’auteur, du merchandising ou encore celles payées pour la vente d’une œuvre graphique.
Il sera utile d’inclure dans le contrat un article permettant à l’agent de contrôler les comptes de l’artiste. Il devra pouvoir se faire communiquer la copie des bulletins de paie, des états de vente, des décomptes de redevances adressés à l’artiste par ceux avec lesquels il a signé des contrats. Il en est de même pour les répartitions effectuées par les sociétés de perception et de répartitions de droits d’auteurs ou d’artistes.
7. Période de versement de la commission du manager
L’agent perçoit sa commission pendant la durée du contrat. A l’expiration du contrat, l’agent ne touche plus sa commission.
Mais le contrat peut comporter une « sunset clause » : cette clause prévoit que l’agent pourra continuer de percevoir sa commission après la fin du contrat pendant une certaine durée. Cette durée est généralement fixée entre douze et vingt-quatre mois. L’agent pendant cette durée prolongée continue à encaisser sa commission à taux plein ou à taux réduit.
La sunset clause est justifiée par le fait que les contrats signés par l’artiste à l’initiative de l’agent génèrent des rémunérations qui peuvent être décalées dans le temps. C’est le cas dans l’industrie musicale et dans l’industrie cinématographique.
La sunset clause permet à l’agent d’être payé sur ces sommes.
8. Les frais pris en charge par l’artiste
Pour exercer ses missions, l’agent peut être amené à payer des frais de transport, d’hébergement et de restauration. Le contrat pourra prévoir que l’artiste fera le nécessaire pour que les frais de l’agent soient pris en charge par la maison de disques, la maison d’édition, le producteur de spectacles, le producteur cinématographique. Si tel n’est pas le cas, il faudra préciser les obligations de l’artiste et préciser s’il supportera ou non les frais de son agent et selon quelles conditions.
9. La Résiliation des contrats en cours
Une clause du contrat pourra prévoir que l’artiste s’interdit de mettre fin par anticipation à un contrat conclu à l’initiative de l’agent ou négocié par lui. En effet, ceci priverait l’agent de potentielles commissions générées par les revenus relatifs au contrat concerné. Une clause spécifique pourra aussi interdire à l’artiste de signer ensuite un nouveau contrat identique avec le même partenaire ce qui constituerait une manœuvre pour ne pas payer l’agent.
10. Création d’une société par l’artiste
Le contrat pourra envisager le cas où l’artiste constituerait une société pour l’exploitation de ses droits et la perception de ses revenus. La commission de l’agent pourra alors être également calculée sur le chiffre d’affaires brut hors taxes de la société. Les commissions applicables aux rémunérations versées directement à l’artiste pourront ou non demeurer applicables.
Le contrat d’agent artistique peut être source de nombreux conflits lorsqu’il n’est pas correctement rédigé. Il est donc essentiel de négocier aussi précisément que possible les clauses déterminantes de ce contrat pour éviter les malentendus.