Puis-je céder mes droits gratuitement ?

par | 24 mars 2022 | Général

Céder ses droits gratuitement peut concerner les titulaires de droits d’auteur (auteurs, compositeurs, éditeurs). Cela peut également concerner les titulaires de droits voisins (artistes-interprètes, comédiens, producteurs) et les titulaires de droits sur des marques ou des dessins et modèles.

Une telle cession gratuite est-elle légale ?

1. Rappel sur les conditions de validité d’une cession de droits :

Pour les droits d’auteur

Le Code de la propriété intellectuelle prévoit qu’un auteur peut céder son droit de reproduction et son droit de représentation à titre onéreux ou à titre gratuit.
Mais un contrat écrit est nécessaire à la validité de la cession. Dans ce contrat, chacun des droits cédés doit faire l’objet d’une mention distincte. Le domaine d’exploitation des droits cédés doit être délimité dans son étendue, dans sa destination, dans sa zone géographique et sa durée.

Si une rémunération est prévue, elle doit être proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation. Dans certains cas très spécifiques, la rémunération peut être forfaitaire.

Point important : la cession à titre gratuit est possible. Elle doit alors être expressément consentie et apparaître clairement dans le contrat.

Pour les droits voisins

La cession des droits de reproduction et de communication au public d’un artiste suit également des règles impératives. Ainsi pour un contrat conclu avec un label de musique, chacun des droits cédés doit faire l’objet d’une mention distincte. Le domaine d’exploitation de ces droits doit être fixé : étendue, destination, lieu et durée.
La rémunération de la cession des droits doit être proportionnelle “à la valeur économique réelle ou potentielle des droits cédés”. La rémunération peut toutefois être forfaitaire dans des cas limités.

Il n’est pas possible de déroger à cette règle qui est d’ordre public.
La cession gratuite de ses droits n’est donc, en principe, pas possible pour un artiste.

Pour les marques

Le titulaire d’une marque peut soit céder la propriété de sa marque soit en permettre l’exploitation par un tiers par le biais d’un contrat de licence.
Un contrat écrit est obligatoire pour la cession de marque. Il n’est pas obligatoire pour une licence mais fortement conseillé à des fins probatoires et pour être opposable aux tiers. En effet, l’inscription au Registre national des marques sera nécessaire.

Qu’en est-il lorsque la cession ou la licence est faite à titre gratuit ?

2. La cession gratuite assimilée à une libéralité et ses conséquences

Dans un jugement du 8 février 2022, le Tribunal judiciaire de Paris a considéré que le transfert gratuit de propriété de droits incorporels s’apparentait à une donation. Dès lors, un contrat passé devant notaire est obligatoire.

Cette décision concerne un transfert de propriété de marques et de dessins et modèles mais peut être transposée aux cessions de droits d’auteur et de droits voisins conclues à titre gratuit. En effet, le tribunal envisage le transfert de droits incorporels au sens large.

A défaut d’avoir été authentifié devant notaire, le contrat pourra être annulé en cas de recours devant un tribunal.

Le Tribunal judiciaire l’affirme très clairement en ces termes

“ Il s’agit donc par définition d’une donation, non dissimulée et portant sur des droits incorporels, comme tels insusceptibles de remise physique. L’acte, qui devait donc être passé devant notaire alors qu’il est constant qu’il a été conclu sous seing privé, est nul.”

Par ailleurs, une cession à titre gratuit conduira à l’application par l’administration fiscale du régime de taxation des libéralités.

Enfin, si la cession gratuite est consentie par une société, elle prend le risque que soit caractérisé un acte anormal de gestion.