Parolier et compositeur : quels sont leurs liens et leurs droits sur la chanson ?

par | 8 mars 2021 | Musique

u’ils soient deux ou plus nombreux (plusieurs paroliers, plusieurs compositeurs), leurs droits sont intimement liés.

Ils sont en effet les coauteurs d’une œuvre de collaboration.

Qu’est-ce qu’une œuvre de collaboration ?

Est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques (article L113-2 du code de la propriété intellectuelle).

Elle est la propriété commune des coauteurs qui exercent leurs droits d’un commun accord.

L’œuvre de collaboration fonctionne sous le régime de l’indivision.

Qui a la qualité de coauteur d’une œuvre musicale ?

Une participation personnelle et créative

Est coauteur d’une œuvre musicale, celui qui a participé personnellement à sa création et à sa mise en forme. Fournir uniquement l’idée de départ ou un thème n’est pas suffisant.

Il est nécessaire de justifier d’une activité créative avec un caractère d’originalité.

Un travail concerté

Par ailleurs, le travail doit également être effectué de manière concertée pour que l’œuvre soit reconnue comme indivise entre les coauteurs.

Le critère de concertation est essentiel. Dans une affaire Polnareff et Dabadie, la Cour de cassation a considéré que pour les œuvres musicales, le processus créatif implique par nature cette concertation. Paroles et musique sont indivisibles.

Comment gérer la copropriété de l’œuvre musicale ?

En tant qu’œuvre de collaboration, une chanson est la propriété commune des coauteurs.

La règle est que le(s) parolier(s) et le(s) compositeur(s) doivent exercer leurs droits d’un commun accord entre eux. Cela entraine diverses conséquences :

Pour les contrats

– l’auteur des paroles de chansons peut s’opposer à la demande de résiliation des contrats de cession et d’édition formée par son coauteur ayant composé la musique ;

– la résiliation du contrat d’édition conclu par le compositeur entraîne la résiliation du contrat d’édition conclu par le parolier (affaire Polnareff et Dabadie).

Pour le droit de divulgation

Le droit de divulguer l’œuvre et de choisir le procédé et les conditions de cette divulgation doit être effectué d’un commun accord. Le refus abusif de divulguer l’œuvre peut être sanctionné devant les tribunaux.

Pour le dépôt de l’œuvre

Le dépôt de l’œuvre à la Sacem n’est pas une divulgation de l’œuvre. Ainsi, chaque coauteur peut déposer sa propre contribution à la Sacem. En revanche, il ne peut prendre seul l’initiative de déposer l’œuvre musicale complète.

Pour l’exploitation séparée des contributions

Après la divulgation de l’œuvre, parolier(s) et compositeur(s) peuvent, sauf convention contraire, exploiter séparément leurs paroles et leur musique.

C’est ce qu’indique l’article L113-3 du code de la propriété intellectuelle :

« Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l’exploitation de l’œuvre commune ».

Les conditions sont clairement posées :

(i) Les contributions doivent relever de genres différents

Sauf de rares exceptions, la jurisprudence considère que paroles et musique relèvent de genres différents. Elles peuvent donc être exploitées individuellement si elles ne font pas concurrence à l’œuvre commune.

(ii) l’exploitation des contributions personnelles ne doit pas porter préjudice à l’exploitation de la chanson créée en commun.

Ainsi, l’auteur des paroles d’une chanson peut exploiter ces paroles s’il démontre qu’il s’adresse à un autre public que celui visé par l’œuvre commune (par exemple dans un recueil de textes).

Il ne peut pas décider seul d’utiliser ses paroles avec une autre musique. De même un compositeur ne peut utiliser sa musique avec d’autres paroles sans l’accord du ou des parolier(s).

En effet, il a été jugé que deux chansons constituent un produit similaire qui s’adresse à un public identique créant ainsi une concurrence non négligeable.

De même il ne peut, sous couvert de l’exploitation de sa propre contribution, exploiter l’œuvre commune ni en compromettre le succès commercial.

Pour les actions en justice

Si un coauteur souhaite engager une procédure judiciaire, en contrefaçon par exemple, il doit inclure dans son action tous les coauteurs

Les litiges entre coauteurs d’une œuvre musicale sont fréquents. Une analyse précise de la situation avec l’assistance d’un avocat est alors nécessaire.