A qui appartient le nom d’un groupe de musique

par | 3 janvier 2017 | Musique

Vous vous séparez, qui garde le nom ?

 « J’ai fondé les Beatles et je les ai dissous ; c’est aussi simple que cela » John Lennon.

 Il serait réducteur de dire que la réussite d’un groupe musical réside uniquement dans sa capacité à conjuguer des individualités et à les faire avancer dans le même sens.

Néanmoins, le groupe de musique est une entité fragile, la mésentente entre membres est une des principales causes de disparitions de l’univers musical ; on ne compte ainsi plus les groupes évaporés du circuit en raison de divergences internes ; encore moins ceux dont un membre à l’ego surdimensionné ou au talent étouffé a été évincé. Les exemples les plus éloquents étant, à titre indicatif, Dave Mustaine guitariste originel de Metallica expulsé du groupe quelques semaines avant la sortie de leur premier album, Tricky claquant la porte des rois du Trip-Hop « Massive Attack » alors que ceux-ci sont à leur apogée ou encore la disparation des Fugees pour divergences artistiques…

D’un point de vue juridique, ces évènements posent la question de la propriété du nom du groupe revendiqué à la fois par les membres restants et par ceux ayant quitté le groupe.

L’arrêt QUILLAPAYUN rendu le 11 juin 2009 par la Cour de Cassation, dix ans après l’arrêt GIPSY KING réaffirme un élément essentiel : le nom d’un groupe est la propriété indivise de ses membres ; le choix de l’indivision est juridiquement le mode le plus adapté à l’exercice effectif d’un groupe de musique. Lorsqu’un différend survient qui mène à une séparation, ou plus exactement à une scission, comme c’est le cas dans l’arrêt QUILAPAYUN, la solution de la Cour de Cassation est sans appel : il est du pouvoir souverain des juges du fond de constater qu’après scission, c’était la faction réunie autour du fondateur du groupe qui héritait de la dénomination et ce parce qu’elle avaient assuré la permanence du projet artistique, moral et politique du groupe tel qu’élaboré à sa création. La faveur est donc donnée aux membres restants du groupe réunis autour du fondateur clairement identifié.

Seule restait à l’autre faction la possibilité d’utiliser le nom pour se prévaloir de la qualité d’ancien membre du groupe.

Comme dans l’arrêt GISPSY KING, la notion d’indivision est confrontée non sans danger à une analyse purement factuelle opérée par les juges du fonds. Il est en effet parfois difficile d’établir une présomption en faveur du leader, notamment lorsque le groupe est à peine éclos.

D’innombrables questions surviennent alors et sont soumises aux tribunaux: qui était le leader du groupe lorsque la moitié des membres seulement reconnait avoir travaillé avec lui ? Qui est celui qui s’est occupé de leur tournée ? Qui avait le mieux la capacité d’engager le groupe à la participation d’évènements musicaux ? etc…

Autant de questions dont la réponse n’est apportée que par une étude au cas par cas à laquelle doivent se livrer les juges du fond amenés à confronter le critère de la  « permanence du projet artistique » à la réalité des faits…

Didier Félix et Julien Krief