Johnny Hallyday : une jurisprudence en héritage sur le droits d’auteur des pochettes de disques

par | 2 mars 2018 | Musique

La Cour d’Appel de Versailles a rendu un arrêt le 24 novembre 2017 précisant les contours du droit d’auteur sur les pochettes de disques.

Le cabinet représentait la société ELLE AIME L’AIR (LMLR) spécialisée dans la réédition de fonds de catalogue d’enregistrements musicaux, notamment ceux tombés dans le domaine public.

LMR avait conclu un accord avec MONDADORI MAGAZINES France, éditrice du magazine Téléstar portant sur la commercialisation en kiosques d’une collection intitulée « Effet Vinyle » comprenant la réédition de cinq albums originaux « Salut les copains », « A l’Olympia », « Johnny sings America », « Madison Twist » et « Retiens la nuit » interprétés par Johnny HALLYDAY reproduisant des enregistrements commercialisés au cours des années 1961 et 1962.

Ces enregistrements étaient commercialisés dans leur pochette d’origine, seules les photographies du chanteur reproduites sur les pochettes avaient été modifiées. La société UNIVERSAL MUSIC FRANCE, propriétaire de ces enregistrements et s’estimant également titulaire de droits d’auteurs sur les pochettes originales a fait assigner en contrefaçon et en concurrence déloyale MONDADORI MAGAZINES France. LMLR est intervenue volontairement pour garantir les droits de cette dernière.

L’arrêt se penche (1) sur la titularité des droits d’auteur revendiqués par UNIVERSAL MUSIC France, (2) sur la protection des pochettes au titre du droit d’auteur, (3) sur la concurrence déloyale et sur le préjudice invoqués par UNIVERSAL MUSIC France.

  1. La titularité des droits

La Cour considère qu’en application de l’article L 113-2 du CPI, les pochettes originales constituent une œuvre collective publiée sous le nom des labels Philips et Mercury appartenant à UNIVERSAL MUSIC France et qu’à ce titre, cette dernière bénéficie de la présomption de titularité du droit de propriété incorporelle sur l’œuvre. UNIVERSAL MUSIC France avait donc la qualité à agir à ce titre.

  1. La protection des pochettes au titre du droit d’auteur

La Cour rappelle que c’est à celui qui revendique un droit d’auteur de préciser les caractéristiques qui sont de nature à témoigner que l’œuvre est empreinte de la personnalité d’un auteur. Elle considère qu’en l’espèce UNIVERSAL MUSIC France n’identifie pas de telles caractéristiques. Elle ajoute que les typographies choisies ne sont pas originales et l’emplacement des éléments typographiques par rapport à la photographie de l’artiste est seulement typique des pochettes de disques des années 1960 et de la période « yéyé » sans refléter une singularité artistique quelconque. Les pochettes dans leur version originale ne sont donc pas susceptibles d’une protection au titre du droit d’auteur.

  1. La concurrence déloyale et l’absence de justification du préjudice

Les disques commercialisés avec le magazine Téléstar par MONDADORI MAGAZINES France étaient promus par une accroche annonçant que « Cette collection de CD collector reproduit à l’identique les pochettes et les vinyles de l’époque ». UNIVERSAL MUSIC France estimait que la publicité trompeuse était caractérisée. La Cour a au contraire considéré que cette indication était trop vague pour constituer un risque de confusion avec les vinyles édités par UNIVERSAL MUSIC France, le public moyennement attentif n’ayant pas forcément connaissance de la publication par UNIVERSAL MUSIC France des vinyles originaux de Johnny Hallyday.

La Cour considère toutefois que les pochettes litigieuses présentaient un risque de confusion avec les pochettes originales même si les photographies avaient été changées.

Mais UNIVERSAL MUSIC France n’ayant communiqué aucun élément chiffré pour justifier de son préjudice à ce titre, la Cour a rejeté la demande d’indemnisation d’UNIVERSAL MUSIC France.

 

Le texte complet de l’arrêt de la Cour de Versailles du 24 novembre 2017