Édition musicale : la reddition de comptes, une obligation durement sanctionnée

par | 11 juin 2021 | Musique

Être éditeur musical implique le respect d’obligations essentielles. Si l’éditeur ne les respecte pas, il peut perdre ses droits sur les œuvres. Parmi ces obligations figure celle de rendre des comptes.

1. Fondement de l’obligation de reddition de comptes

Le fondement légal

L’article L.132-13 du code de la propriété intellectuelle pose le principe que l’éditeur est tenu de rendre des comptes. L’auteur-compositeur peut exiger cette reddition des comptes une fois par an.

Le fondement conventionnel

Le Code des usages et des bonnes pratiques de l’édition des œuvres musicales a été signé le 4 octobre 2017 par les organisations professionnelles représentant les auteurs-compositeurs (SNAC, UCMF, UNAC) d’une part, et les éditeurs (CSDEM, CEMF, ULM) d’autre part.

Les dispositions de ce code des usages ne s’imposent qu’aux adhérents des organisations signataires.

L’article 3.6 du Code des usages prévoit que la reddition de comptes doit avoir lieu deux fois par an, au plus tard le 31 mars et le 30 septembre de chaque année.

Le fondement contractuel

Le contrat de cession et d’édition d’une œuvre musicale signé entre l’éditeur et l’auteur-compositeur prévoit cette obligation et en aménage les modalités.

 

2. Le contenu de l’obligation de reddition de comptes

Le contenu de l’obligation selon le code de la propriété intellectuelle

L’article L.132-13 prévoit que l’état de comptes doit mentionner le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice, la date et l’importance des tirages et le nombre d’exemplaires en stock. La jurisprudence interprète largement cette obligation. Concrètement, l’éditeur doit présenter une fois par an des comptes faisant apparaître les exemplaires fabriqués et vendus ainsi que le montant des redevances dues ou versées.

Le contenu de l’obligation selon le code des usages

Le code des usages indique que l’état de comptes doit comporter la date du premier et du dernier jour d’encaissement, le titre de l’œuvre et le nom de l’auteur, le type d’exploitation concernée, le nombre d’exemplaires vendus, gratuits, détruits ou rendus inutilisables par cas fortuit ou force majeure, le montant global des droits générés et le montant dû à l’auteur-compositeur.

Le contenu de l’obligation selon le contrat de cession et d’édition d’une œuvre musicale

Le contrat d’édition, s’il est conclu par des adhérents des organisations ayant ratifié le code des usages, reprend les dispositions de celui-ci. A défaut, le contrat d’édition reprend les dispositions du code de la propriété intellectuelle.

 

3. La sanction de l’absence de reddition de comptes

 

En l’absence de reddition de comptes par l’éditeur, l’auteur-compositeur peut demander la résiliation du contrat. S’il justifie d’un préjudice, il peut demander des dommages intérêts.

 

Le codes des usages aménage une faculté pour l’auteur-compositeur de mettre en demeure l’éditeur de produire un état de comptes dans un délai de trois mois. A défaut, l’auteur-compositeur peut notifier à l’éditeur la résiliation du contrat. Mais la résiliation est de droit si l’éditeur n’a pas fait de reddition des comptes de manière spontanée à trois reprises sur une période de trois ans.

La jurisprudence se montre extrêmement sévère sur le manquement de l’éditeur à cette obligation.

Un jugement du tribunal judiciaire de Lille du 27 mai 2021 a prononcé la résolution de deux contrats d’édition car l’éditeur n’avait rendu aucun compte pendant 17 ans à l’auteur des œuvres. Le tribunal considère qu’il s’agit d’un manquement grave de l’éditeur. Il a donc annulé les contrats. Ils sont considérés comme n’ayant jamais existé. L’auteur peut donc contraindre l’éditeur à restituer les sommes perçues. Le tribunal a, de plus, condamné l’éditeur au versement de dommages intérêts importants.

 

L’obligation de reddition des comptes ne doit pas être traitée légèrement. Elle est une pierre angulaire des litiges entre auteurs-compositeurs et éditeurs.