Peut-on limiter la durée d’un contrat d’édition musicale ?

par | 16 février 2021 | Musique

Les contrats d’édition proposés aux auteurs-compositeurs contiennent des clauses complexes.

Une des plus importantes concerne la durée du contrat.

Rappelons ce qu’est un contrat d’édition musicale avant d’aborder les enjeux de la clause de durée.

1. Définition du contrat d’édition musicale

Il s’agit d’un contrat conclu entre l’auteur des textes et le compositeur de la musique (et éventuellement un arrangeur) avec un éditeur de musique.

Le contrat d’édition, de manière générale, est défini par l’article L132-1 du code de la propriété intellectuelle.

L’auteur ou le compositeur cède à l’éditeur la propriété de ses droits patrimoniaux, c’est-à-dire des droits exclusifs d’exploitation de l’œuvre (paroles, musique).

La contrepartie : l’éditeur est chargé d’éditer les partitions. Il doit également assurer la promotion et l’exploitation permanente de l’œuvre. Son travail est de faire en sorte que l’œuvre soit interprétée par un artiste sur scène ou enregistrée par lui.

L’éditeur place aussi l’œuvre à des fins de synchronisation (films, séries, spots publicitaires, jeux vidéo).

2. Droits cédés à l’éditeur

Par la signature du contrat, l’éditeur devient propriétaire exclusif des droits d’exploitation de l’œuvre musicale.

Ces droits sont le droit de reproduction mécanique (ventes de supports physiques, téléchargement essentiellement) et le droit de représentation et d’exécution publique (streaming, diffusion dans les lieux sonorisés, œuvres interprétées en concert). Mais aussi les droits d’exploitations secondaires, tels que le droit de synchronisation exercé avec l’accord de l’auteur-compositeur.

Les droits moraux (droit de divulgation, droit de paternité et droit au respect de l’œuvre) demeurent la propriété de l’auteur.

L’auteur, le compositeur et l’éditeur sont généralement membres de la Sacem.

En adhérant à la Sacem, ils effectuent un apport de droits. La Sacem exerce alors seule le droit d’autoriser ou d’interdire la représentation et l’exécution publique ainsi que la reproduction mécanique des œuvres.

En revanche, la Sacem n’est pas compétente pour l’exercice des droits graphiques (partitions) et des droits de synchronisation. Ces droits sont exercés directement par l’éditeur.

3. Rémunération des droits cédés

Les rémunérations d’exploitation seront perçues et versées à l’éditeur, à l’auteur et au compositeur par la Sacem.

Les sommes correspondantes sont versées par la Sacem aux mois de janvier et de juillet. Deux répartitions intermédiaires interviennent en avril et octobre.

La quote-part éditoriale correspond généralement à 50% des droits de reproduction mécanique et au 1/3 des droits d’exécution publique. Le solde, soit 50% des droits de reproduction mécanique et 2/3 des droits d’exécution publique reviennent à l’auteur et au compositeur.

Les rémunérations concernant les ventes de partitions et les droits de synchronisation sont négociées et encaissées directement par l’éditeur.

Celui-ci reverse à l’auteur et au compositeur la quote-part qui leur revienne en fonction du contrat.

Pour les partitions, l’auteur et le compositeur se partagent usuellement 10% des revenus encaissés par l’éditeur. Pour les droits de synchros, 50% reviennent à l’auteur et au compositeur.

Quel est l’enjeu de la durée du contrat ?

4. La durée légale de protection du droit d’auteur

Les contrats d’édition en général conclus pour la durée légale du droit d’auteur. Cette durée est fixée par l’article L123-1 du code de la propriété intellectuelle. Elle court durant toute la vie de l’auteur et se poursuit, au profit de ses héritiers ou ayants-droit, 70 ans après son décès.

Mais rien n’interdit de réduire cette durée dans un contrat d’édition.

Il est possible, par exemple, de conclure un contrat d’édition pour 10, 15, 20 ans ou toute autre durée inférieure à la durée légale.

5. Conséquences pratiques de la réduction de la durée légale

Le contrat d’édition donne à l’éditeur un droit de propriété sur l’œuvre. Elle fait partie de son catalogue. L’éditeur peut, par conséquent, vendre son catalogue et l’œuvre avec. Cette dernière a donc une valeur patrimoniale.

Cette valeur dépendra du succès de l’œuvre et de la durée du droit de propriété restant à courir sur cette œuvre au moment de la vente.

L’éditeur qui souhaite vendre son catalogue ne peut garantir au vendeur que la jouissance des droits pour la durée qui lui a été concédée.

Bien évidemment, plus cette durée est longue, plus le prix sera élevé. Cette durée ne pourra être prolongée qu’avec l’accord de l’auteur et du compositeur.

C’est pourquoi l’éditeur a intérêt à disposer de la durée la plus longue, celle de la durée légale de protection, avant que l’œuvre ne tombe dans le domaine public.

6. Eviter la confusion avec la durée du contrat de préférence éditoriale

Le contrat de préférence éditoriale est différent du contrat d’édition.

Ce contrat est visé à l’article L132-4 du code de la propriété intellectuelle. C’est un contrat par lequel l’auteur ou le compositeur s’engage à accorder un droit de préférence à l’éditeur sur ses œuvres futures dans des genres déterminés (par exemple musique de variétés, jingle publicitaires, musiques de films…).

La durée maximum de ce contrat est impérativement fixée à 5 ans à compter de la signature.

Le cabinet peut vous apporter toute l’aide nécessaire à la rédaction et à la négociation de vos contrats.