Même en présence d’un contrat de synchronisation, le droit moral de l’auteur reste protégé. Une récente décision vient le rappeler avec force.
1. Une utilisation contraire à l’esprit de l’œuvre
L’affaire concerne l’utilisation de la Ballade pour [V], œuvre musicale composée par un musicien français en hommage à sa fille, dans la série américaine Narcos Mexico.
Cette ballade, empreinte de douceur et de tendresse, a été utilisée pour illustrer une scène d’exécution d’une extrême violence.
L’ayant droit du compositeur (sa fille) a engagé une action judiciaire, soutenant que cette utilisation, sans l’accord exprès de l’auteur, portait atteinte à l’intégrité et à l’esprit de l’œuvre, au mépris du droit moral.
2. Une utilisation sans l’accord de l’auteur
Les producteurs de la série invoquaient une licence de synchronisation obtenue auprès de la société américaine Regent Music.
Cette dernière tenait ses droits d’un contrat de sous-édition signé par la société d’édition du compositeur.
Mais la Cour souligne une chose essentielle :
- Le fait que la scène ait été décrite à Regent ne suffit pas à démontrer que le compositeur lui-même en avait connaissance,
- Ni qu’il aurait consenti à une telle association entre son œuvre et une scène d’une telle brutalité.
3. Un contrat ne peut pas justifier la dénaturation de l’œuvre
La cour retient qu’associer une œuvre à une scène qui en dénature radicalement le sens constitue une atteinte au droit moral, même si un extrait a été utilisé dans le cadre d’un contrat.
Elle rappelle que le droit au respect de l’œuvre est :
- inaliénable,
- imprescriptible,
- et transmissible aux héritiers.
Ce droit protège l’auteur contre tout usage détourné de sa création, surtout lorsque cet usage en trahit l’intention première.
Même si la synchronisation d’une œuvre implique nécessairement l’utilisation d’un extrait, cela ne justifie pas pour autant une utilisation contraire au droit moral de l’auteur..
4. Ce qu’il faut retenir
- Le contrat ne fait pas tout : une licence de synchronisation ne permet pas d’utiliser une œuvre dans n’importe quel contexte.
- Le droit moral protège l’œuvre contre les détournements de sens : l’auteur doit pouvoir refuser qu’on associe sa musique à des images qui en trahissent le message.
- Les producteurs audiovisuels doivent redoubler de vigilance : même avec une licence valide, ils doivent évaluer le contexte d’utilisation, surtout en cas de scènes sensibles.
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