Le cas DAFT PUNK : quelles conséquences quand un groupe se sépare ?

par | 1 mars 2021 | Musique

L’actualité du groupe Daft Punk permet d’illustrer les conséquences d’une séparation d’un groupe musical.

Un duo ou un groupe c’est un ensemble d’artistes qui forme l’unité d’un projet artistique.

Mais un duo ou un groupe c’est aussi un ensemble juridique.  Il signe collectivement des contrats, enregistre des titres, exploite son nom en tant que marque.

Dés lors, le groupe dispose de droits mais a aussi des obligations.

Que se passe-t-il lorsque, comme pour Daft Punk, le groupe se sépare ou met fin simplement à ses activités ?

Les conséquences sur les contrats

Le contrat d’enregistrement (contrat d’artiste) signé par un groupe contient généralement une clause dite « clause groupe ».

Cette clause s’applique aussi aux duos.

Elle prévoit différentes hypothèses.

    • Le départ d’un membre du groupe

Dans ce cas, le label peut :

– mettre fin au contrat à l’égard de tous les membres du groupe (ce qui peut être contestable en droit du travail) ;

– mettre fin au contrat à l’égard de certains membres du groupe seulement et, dans ce cas :

  • soit poursuivre le contrat avec les membres restants et conclure un contrat séparé avec le ou les membres partants
  • soit poursuivre le contrat avec les membres restants et un ou plusieurs artistes nouveaux pour remplacer le ou les artistes partants
  • soit résilier le contrat des membres du Groupe qui souhaitent rester mais maintenir l’application du contrat aux autres membres du Groupe qui souhaitent le quitter.

De plus, cette clause réserve généralement au label une option exclusive sur les carrières solo des membres du groupe.

    • La dissolution du groupe

Si, comme Daft Punk, le groupe décide sa dissolution, deux cas sont envisageables :

– soit la dissolution a lieu avant la fin du contrat : le groupe engage sa responsabilité s’il doit encore un ou plusieurs albums au label. Il pourra être contraint de dédommager financièrement le label. Un accord sera éventuellement conclu sur les carrières solo des membres du groupe pour éviter cette indemnisation ;

– soit la dissolution a lieu une fois que le groupe a rempli ses engagements à l’égard du label : rien ne peut alors lui être reproché. Seule la question de l’usage du nom du groupe devra être réglée.

Si le groupe a créé son propre label, il a alors signé un contrat de licence avec une maison de disques pour l’exploitation de ses enregistrements.

Ce contrat de licence comportera des dispositions protégeant la maison de disques en cas de changement dans la composition du groupe ou de dissolution. Celle-ci pourra alors résilier le contrat et éventuellement obtenir une indemnisation.

Elle aura aussi la faculté de continuer le contrat avec le groupe dans sa nouvelle composition.

Une clause d’option sur les interprétations individuelles peut être aménagée à son profit si le label dispose lui-même d’un droit d’option.

Les conséquences sur le nom du groupe

    • Le nom de groupe utilisé pour les activités musicales

Le nom du groupe est la propriété indivise de ses membres fondateurs. Par principe nul n’est tenu de rester dans l’indivision. Par conséquent, nul ne pourra individuellement ou collectivement utiliser ce nom sans l’accord de tous les autres.

Toutefois dans l’affaire Gipsy Kings, il a été décidé par la Cour de Cassation que ceux qui assurent la permanence du projet artistique peuvent utiliser ensemble le nom du groupe. Elle a jugé la même chose dans l’affaire relative au nom du groupe Quilapayun.

Les autres membres du groupe peuvent toutefois se prévaloir de la qualité d’ancien membre du groupe.

La « clause groupe » trouve ici tout son intérêt. Elle prévoit généralement que seuls les artistes demeurant dans le groupe seront autorisés à utiliser le nom du groupe.

Les artistes quittant le groupe s’engagent à ne pas utiliser le nom tant que le groupe est sous contrat avec le label.

Les artistes peuvent aussi organiser l’usage de leur nom de groupe dans une convention d’indivision.

    • Le nom de groupe utilisé en tant que marque

Les membres du groupe peuvent déposer comme marque en copropriété leur nom de groupe.

Avec un dépôt dans les classes correspondantes, le nom du groupe est alors protégé pour les activités musicales et, comme c’est le cas pour Daft Punk, pour les ventes de produits dérivés (merchandising).

En cas de modification de la composition du groupe, seuls les copropriétaires de la marque tireront bénéfices des ventes de produits dérivés, même s’ils ne sont plus membres du groupe. Des tensions peuvent alors naître avec les nouveaux membres du groupe.

En cas de dissolution du groupe par les fondateurs eux-mêmes, leurs droits sur la marque seront réglés par la convention d’indivision ou par une convention de copropriété.

Dans tous les cas, les fondateurs du groupe auront tout intérêt à :

– enregistrer le nom de leur groupe comme marque dés le début de leur activité ;

– organiser leurs droits et la gestion de leur marque dans une convention d’indivision ou une convention de copropriété.