Le contrat de préférence éditoriale doit respecter deux conditions impératives : il doit être limité dans le temps (cinq ans au maximum) ou en nombre d’ouvrages (cinq dans chaque genre déterminé au contrat). A défaut, il peut être déclaré nul.
Le 29 mars 2024, la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt statuant sur ces deux points.
La fondatrice du groupe Requin Chagrin, avait signé avec les sociétés Alter K et Almost Musique un contrat de préférence éditoriale. En application de ce contrat, des contrats de cession de droits et d’édition musicale, ainsi que des contrats de cession du droit d’adaptation audiovisuelle portant sur plusieurs œuvres musicales avaient également été signés.
Par la suite, la fondatrice du groupe a contesté ces contrats, invoquant leur nullité et demandant la restitution des sommes perçues par les sociétés.
La clause litigieuse :
Le contrat de préférence était conclu « pour la durée nécessaire à l’écriture/composition par l’auteur de : 1 album dans le commerce venant à la suite de l’album 1 (album 2).
Par la suite, l’éditeur disposera d’une option exclusive pour les œuvres constituant l’album 3 de l’auteur (« album optionnel »)… On entend par « album sorti dans le commerce » un recueil d’au moins 10 ‘œuvres, faisant l’objet d’une sortie commerciale dans les circuits normaux de distribution (physique et digital) ».
L’absence de limitation dans le temps :
Le contrat n’est pas limité dans le temps. En effet, la stipulation du contrat prévoyant que le pacte de préférence est conclu pour la durée nécessaire à l’écriture/composition par l’auteur d’un album sorti dans le commerce est indéterminée. L’option exclusive de l’éditeur sur un autre album accentue le caractère indéterminé.
L’absence de limitation à cinq ouvrages :
Il n’est pas non plus limité en nombre d’ouvrages. Un album n’est pas un ouvrage relevant du genre « chansons ». C’est ce que décide la Cour. Elle considère que cette interprétation large ne serait pas favorable aux intérêts de l’auteur. Il serait en effet engagé sur une trentaine d’œuvres (dix œuvres par album) sans limitation de temps. Le contrat portait donc sur plus de cinq ouvrages dans ce genre.
La nullité du contrat de préférence éditoriale :
Le contrat est donc annulé par la Cour même si la fondatrice du groupe avait librement consenti à ce contrat.
Elle annule également les contrats de cession et d’édition, ainsi que les contrats de cession du droit d’adaptation audiovisuelle.
Les sociétés Alter K et Almost Musique ont été condamnées à restituer à Marion Brunetto toutes les sommes perçues au titre des œuvres concernées.
Ne pas respecter les impératifs légaux dans la rédaction d’un contrat de préférence éditoriale est donc lourdement sanctionné : perte des droits éditoriaux et remboursement des sommes perçues.