La Cour de cassation rappelle, dans un arrêt du 15 octobre 2025, qu’un simple entretien filmé peut être une œuvre de l’esprit s’il porte l’empreinte de la personnalité de celui qui le conçoit.
1) De quoi s’agit-il ?
Dans le cadre de ses études, une étudiante a filmé plusieurs entretiens avec la vidéaste Carole Roussopoulos, figure du mouvement féministe des Insoumuses.
Des années plus tard, une société de production sort un film intitulé « Delphine et Carole, insoumuses », qui reprend plusieurs extraits de ces entretiens sans demander d’autorisation. L’étudiante assigne alors la société pour atteinte à ses droits d’auteur.
2) Qui est l’auteur d’un entretien filmé ?
Pour la société de production, l’interviewée (Carole Roussopoulos, décédée entre-temps) devait être considérée comme coauteur et ses héritiers auraient donc dû être appelés dans la procédure.
Elle soutenait aussi que l’étudiante n’était pas « auteur », car elle se serait « contentée » de poser des questions.
3) Quelle est l’analyse de la Cour de cassation ?
— Situation de l’étudiante
Pour la Cour, l’étudiante avait conçu le cadre des entretiens, le plan, les thèmes, les questions, la progression du dialogue.
Autrement dit, c’est elle qui avait donné forme et cohérence à l’ensemble, selon sa sensibilité et sa connaissance du sujet. La personne interviewée ne devient coauteur que si elle contribue à l’originalité de l’œuvre, c’est-à-dire si elle apporte quelque chose à sa forme, à sa structure ou à sa mise en scène.
— Situation de l’interviewée
Carole Roussopoulos s’était bornée à répondre aux questions dans l’ordre fixé par l’intervieweuse. Elle n’avait pas participé à la préparation ni à la conception des entretiens. Elle n’était donc pas coauteur, même si son témoignage personnel était précieux.
4) Quelles sont les conséquences ?
Les entretiens filmés par l’étudiante constituent une œuvre originale. Leur utilisation dans un film commercial sans son autorisation est une atteinte à ses droits d’auteur, tant sur le plan patrimonial (droit d’exploitation) que moral (respect de l’intégrité et du nom de l’auteur). La société de production est condamnée à l’indemniser.
5) Que faut-il retenir ?
Cet arrêt rappelle une règle essentielle : un entretien filmé n’est pas un simple document brut, mais peut être une œuvre de création, protégée par le droit d’auteur. Tout dépend de qui en a conçu la forme originale :
- si l’intervieweur fait de vrais choix de structure, de thèmes et de mise en scène, il peut être auteur ;
- si l’interviewé contribue à cette création, il peut devenir coauteur ;
- sinon, il reste sujet du film, mais pas auteur.
En clair
Derrière la caméra, celui qui pose les questions crée un récit. Et comme tout récit original, il mérite protection.
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