Peut-on reproduire une œuvre picturale dans un reportage ?

par | 29 octobre 2025 | Télévision, Art & Design

Le tribunal judiciaire de Paris, dans son jugement du 10 septembre 2025, fixe les limites du droit à l’information.

1. De quoi s’agit-il ?

Un artiste marseillais, connu pour ses œuvres street art, avait réalisé une toile intitulée Exegi Monumentum Aere Perennius pour l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille. L’œuvre était accrochée dans le bureau du professeur Raoult.

Un soir d’avril 2021, cette même toile est apparue à plusieurs reprises dans un documentaire diffusé sur RMC Story, consacré au professeur Raoult. Problème : le tableau avait été copié et intégré au décor sans l’autorisation de son auteur.

L’artiste découvre la diffusion et estime que sa création a été utilisée sans droit, qu’elle a été dénaturée et, pire encore, associée à un personnage controversé. Il assigne alors plusieurs sociétés du groupe Altice (RMC Story, Nextinteractive, TV Presse Productions, Slug News Network) pour contrefaçon de droit d’auteur.

2. Que disent les chaînes ?

(i) La prescription

Les chaînes soutiennent que l’artiste reproche en réalité une atteinte à sa réputation, donc une diffamation, relevant de la loi de 1881 sur la presse. L’action serait alors prescrite depuis longtemps.

Mais le tribunal balaie cet argument : la plainte porte bien sur une atteinte au droit d’auteur, et non sur des propos diffamatoires.

(ii) La théorie de l’accessoire

Les chaînes soutiennent la fameuse “théorie de l’accessoire” (l’œuvre apparaîtrait de manière secondaire, juste en décor). Or ici, les producteurs avaient recréé délibérément le bureau du professeur, y compris la copie du tableau et la signature de l’artiste : impossible de parler d’apparition fortuite.

(iii) Le droit à l’information

Selon elles, la reproduction de l’œuvre était nécessaire pour informer le public. Là encore, le tribunal n’est pas de cet avis. La séquence ne visait pas à informer sur l’œuvre, et rien ne prouvait que son inclusion était indispensable.

3. Que décide le tribunal ?

Le tribunal a donné raison à l’artiste.

  • Il condamne les chaînes à lui verser 4 000 € pour la contrefaçon et 10 000 € pour l’atteinte à son droit moral, notamment parce que sa signature avait été reproduite sur la copie.
  • Les juges ont également ordonné la destruction de la copie du tableau, le retrait des séquences incriminées du reportage et interdit toute nouvelle diffusion sans mention du nom de l’auteur.

Les producteurs, les diffuseurs et les artistes doivent donc être vigilants quant à l’utilisation des œuvres qui « illustrent » les programmes audiovisuels.

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