Une décision de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 2 avril 2025 apporte une réponse préoccupante à cette question : une chorégraphie est-elle automatiquement protégée par le droit d’auteur ?
Quels étaient les faits ?
La compagnie de danse contemporaine Kontamine constate que des extraits de sa chorégraphie « Mascara » sont diffusés sans autorisation.
Orchestra Studio, qui l’accueille en résidence, refuse de signer un contrat de cession de droits d’auteur.
Il invoque l’exception de courte citation… puis résilie brutalement leur contrat.
Droit d’auteur : prouver l’originalité, mais comment ?
Une chorégraphie peut être protégée par le droit d’auteur. C’est ce que rappelle la cour.
Mais encore faut-il démontrer que cette création « porte l’empreinte de la personnalité de son auteur ».
La difficulté ? Kontamine fournit une description des pas et enchaînements de la chorégraphie « Mascara », mais cela ne suffit pas aux yeux des juges.
Pour eux, cette description ne permet pas de prouver l’originalité de l’œuvre.
En conséquence, ils exigent des éléments pour expliquer les choix artistiques ou montrer en quoi la combinaison des mouvements serait personnelle.
Le risque est clair : de nombreuses créations chorégraphiques risquent de ne pas être protégées par le droit d’auteur si les auteurs ne fournissent pas de « justification » suffisamment subjective de leur démarche artistique.
Autrement dit, cela revient à demander aux artistes de prouver leur talent.
Une décision inquiétante pour les créateurs
Toutefois, la jurisprudence européenne est pourtant plus protectrice.
La CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) considère qu’une œuvre est originale dès lors qu’elle « reflète la personnalité de son auteur ».
Elle n’impose pas de démonstration subjective de l’intention créative.
Une incertitude juridique pèse aujourd’hui sur les chorégraphes dont les œuvres sont souvent éphémères et mal documentées.
Espérons que la CJUE apportera prochainement des critères plus objectifs.
Un contrat ne se résilie pas du jour au lendemain
Sur le plan contractuel, Orchestra Studio a été condamné.
Résilier un contrat sans mise en demeure ni préavis, sauf faute grave, n’est pas admissible.
Or ici, aucun comportement fautif de la compagnie Kontamine n’était démontré.
Orchestra Studio invoque une perte de confiance, ce qui ne justifie pas une rupture immédiate.
Résultat : Le tribunal a condamné Orchestra Studio à indemniser Kontamine.
Ce qu’il faut retenir
- Créer ne suffit pas : il faut aussi savoir et pouvoir démontrer l’originalité de sa création.
- Documenter ses œuvres : pensez à archiver vos processus créatifs, vos choix artistiques, vos captations.
- Sécuriser contractuellement les droits : une convention sans clause de cession de droits d’auteur n’autorise pas la diffusion de la captation d’un spectacle.
N’hésitez pas à vous faire conseiller pour protéger vos créations et vos droits.